Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 339 du 17 mars 2021, Pourvoi nº 18-25.597
Dans un arrêt du 17 mars 2021, une salariée était mise à pied à titre conservatoire, puis licenciée pour faute grave sur le fondement des comptes-rendus d’un audit, confié avec l’accord des délégués du personnel à une entreprise extérieure, ayant démontré qu’elle avait proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire constitutives d’un harcèlement moral.
À première vue, il s’agit d’une enquête classique que l’employeur doit mettre en œuvre suite à un signalement, toutefois la salariée mise en cause n’était ni informée préalablement de l’ouverture de cette enquête, ni entendue dans ce cadre. Elle conteste son licenciement.
En septembre 2018, la Cour d’Appel de Paris a écarté le compte rendu de l’enquête en le qualifiant de moyen de preuve déloyal et illicite. Selon elle, même si une information préalable de la salariée avait été donnée, la salariée aurait dû, à tout le moins, être entendue pendant l’enquête. Par conséquent, elle qualifie le licenciement de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La chambre sociale de la Cour de cassation, dans cet arrêt du 17 mars 2021, a cassé l’arrêt de la cour d’Appel.
Selon elle, l’article L. 1222-4 du code du travail et le principe de loyauté dans l’administration de la preuve exigent une information préalable du salarié de tout dispositif de contrôle portant sur des informations le concernant personnellement. Dans le cadre du pouvoir de contrôle et de surveillance de l’activité de son personnel pendant le temps de travail, l’employeur ne peut pas recourir à un dispositif de contrôle clandestin, considéré comme déloyal.
Cependant, la Cour déclare expressément que les enquêtes effectuées à la suite d’une dénonciation de faits de harcèlement moral ne sont pas soumises aux règles de l’article L.1222-4 et donc à l’obligation d’une information préalable du salarié. Ce dernier peut ainsi légitiment être licencié sur le fondement des résultats d’une enquête « secrète ». C’est la première fois que la Cour a jugé dans un tel sens.
Par le passé la chambre sociale avait estimé illicite la preuve d’un licenciement apportée par une société de surveillance extérieure à l’insu du personnel (Cass. Soc., 15 mai 2001). En revanche, elle avait jugé que la surveillance par un service interne, chargé avec une mission de contrôle de l’activité des salariés, ne devait pas forcément être portée préalablement à la connaissance de salariés (Cass. Soc. 4 juillet 2012).
La cour de cassation semble donner au respect du principe du contradictoire une valeur inférieure à la découverte et à la sanction des agissements de harcèlement moral au sein des entreprises. Les intérêts particuliers de l’employeur, et les intérêts des victimes, permettent d’écarter exceptionnellement le droit à l’information préalable de la part du salarié visé de l’enquête.
Cette décision de la chambre sociale semble atténuer l’exigence d’équilibre des formes, de respect du contradictoire et des droits de la défense qui, à notre sens, doivent prévaloir et que nous mettons en œuvre dans notre pratique.
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